Pèlerinage des petits neveux et nièces de ce valeureux sergent à l’endroit même de son sacrifice.
Samedi 4 juin 2016, j’accompagnais Patrick Morel de Laneuville, Francis et Michèle Morel de Villy, Sébastien Morel de La Tour-en-Woëvre, Jocelyne Kassem Moussa de Sedan, Maryvonne et Jacques Luneau de Thierville, à la tranchée de Calonne, sur les lieux où Georges Henri Aubert, 18e B.C.P., 6e compagnie, fut mortellement blessé d’une balle au ventre et où il fut inhumé à la suite de son décès.

L’histoire commence lors de mon exposition sur les combattants de Stenay morts pour la France. Maryvonne Luneau, qui s’était déplacée pour voir mon travail, m’a demandé si je pouvais effectuer des recherches sur son grand-oncle disparu en juin 1915, au bivouac de Paleroix. Après avoir collecté quelques informations, j’entrepris la classique recherche des combattants morts pour la France (Mémoire des hommes, CG08, mémorialgenweb, mairie de Laneuville, Forum 14 18, etc.)
Sur Forum 14 18, une discussion à propos de ce bivouac m’apprit qu’il se trouvait au camp de Marquenterre (au sud de l’actuelle aire de repos sur l’autoroute A4) et que plusieurs ambulances du 2ecorps d’armée (pour la période qui nous intéresse) existaient dans ce périmètre. Je découvris, en outre, qu’un grand cimetière provisoire avait été aménagé à côté des installations sanitaires. Il devint clair pour moi que la mention “tué à l’ennemi au bivouac de Paleroix” signifiait : “mortellement blessé en première ligne, ramené au poste de secours du camp Marquenterre, décédé à l’ambulance puis inhumé dans la nécropole dudit camp”. D’après la fiche mise en ligne par Frédéric Radet, sur le Forum 14 18, il reposait dans la tombe n° 71.

J’ai donc transmis ces informations à Maryvonne Luneau, lesquelles lui apportèrent quelques éclaircissements.
Au printemps de cette année, Maryvonne Luneau m’a contacté pour me demander s’il existait une carte topographique précise qui lui permettrait, avec quelques cousins et cousines, de mener une expédition sur les lieux du sacrifice de leur grand-oncle. Connaissant la difficulté à se repérer dans ces bois touffus pour qui n’est pas au fait des combats du bois Haut et pas forcément équipé des outils adéquats pour ce type d’investigations, je me suis proposé de les guider. Comme je connais assez bien l’endroit, il me semblait que les recherches seraient plus simples si je les pilotais. Nous sommes donc convenus que le pèlerinage aurait lieu le 4 juin 2016.

Biographie de Georges Henri Aubert
Georges Henri Aubert est né le 2 avril 1887 à Laneuville-sur-Meuse. Fils d’Henri et de Ponsardin Marie Catherine, il exerce la profession de cultivateur au moment de son recrutement.
Il effectue son service militaire au sein du 18e B.C.P., à Stenay, à partir du 8 octobre 1908.
Il se marie avec Jonet Alice, avec laquelle il a deux enfants (à vérifier).
Rappelé à l’activité lors de la mobilisation générale, toujours au sein du 18e B.C.P., il est promu caporal, le 20 novembre 1914, puis sergent, le 5 janvier 1915. Il participe aux combats de Bellefontaine, Cesse et Luzy, Etrepy, bois de la Gruerie, Champagne, Woëvre et bois Haut.
Il décède le 22 juin 1915, lors de l’attaque du point C. Il est inhumé dans un premier temps au cimetière provisoire du Marquenterre ; ses restes sont restitués à la famille en 1922. Il repose actuellement au cimetière communal de Laneuville où sa tombe est difficilement identifiable.
Combat de la 6e compagnie du 18e B.C.P., les 21 et 22 juin 1915, au bois Haut.
21 juin 1915
Alors que le gros du 18e B.C.P. est chargé de conquérir le point A communément appelé “ouvrage du Haricot”, la 6e compagnie ainsi qu’un peloton de la 5e compagnie sont mis à la disposition du 9eB.C.P. pour enlever l’ouvrage de l’œuf au point C.

À 15 h 45, deux compagnies du 9e B.C.P. et la 6e compagnie du 18eB.C.P. s’élancent à l’attaque. Les 1re et 2e lignes allemandes sont atteintes et quelques éléments poussent vers la 3e ligne. Un peloton de la 6e compagnie participe à ce mouvement, le second est arrêté par les fils de fer et la fusillade devant la tranchée allemande épargnée par la préparation d’artillerie, entre C et D. Ce deuxième peloton rentre à la nuit dans l’ancienne première ligne française à l’exception de quelques gradés et chasseurs qui avaient pénétré dans une tranchée ennemie et qui ont été arrosés par une pluie de grenades. Ces derniers ne rentrent que la nuit suivante. Le peloton de la 5e compagnie appuyé par la section de mitrailleuses couvre la 1re ligne en tirant sur D pour empêcher toute action ennemie entre C et D. Pendant la nuit du 21 au 22, une tranchée de raccordement est creusée entre les anciennes premières lignes française et allemande pour inhiber toute contre-attaque venant du point D.

22 juin 1915
Le 9e B.C.P. renforcé de 3 compagnies du 87e R.I. ré-attaque la 2eligne allemande. Le peloton de la 5e compagnie du 18e B.C.P. lance un coup de main sur le Fortin entre C et D à partir de la tranchée de raccordement. Ce détachement attaque le Fortin par le sud alors qu’un groupe de chasseurs du 9e B.C.P. l’aborde par l’ouest. La 6ecompagnie appuyée par la section de mitrailleuses, ouvre le feu sur le point D. Malgré la bravoure de chasseurs qui parviennent sous un feu violent sous les parapets ennemis, l’attaque échoue. Les travaux dans la tranchée de raccordement sont activement poussés dans la nuit.
L’acte de décès de l’état civil des armées mentionne que Aubert Georges Henri a été tué d’une balle dans le ventre, le 21 juin. En réalité, il est mortellement blessé ce jour et décède au poste de secours du camp de Marquenterre, peu après. Cela correspond avec le récit du jmo qui précise que la 6e compagnie s’est lancée à l’assaut des lignes ennemies, le 21 dans l’après-midi.
Pèlerinage du 4 juin 2016
Après une semaine de pluie sans discontinuité, la journée du samedi 4 juin promettait d’être clémente. C’était sans compter sur la fameuse loi de Murphy qui énonce qu’un problème apparait au moment même où il ne faut surtout pas qu’il survienne. Nous nous sommes tous retrouvés sur le parking de La Faillotte, près de l’aérodrome du Rozelier, puis nous sommes rendus à la tranchée de Calonne en l’abordant par le nord. Toute la première partie de notre périple s’est déroulée sous la pluie. La première étape fut l’emplacement du cimetière du Marquenterre. Dans l’une des discussions du Forum 14 18, la localisation de ce cimetière était parfaitement identifiée. Cela nous a permis de le trouver très rapidement, une ancienne stèle sur le bord du chemin témoignait que nous y étions bien. Plusieurs excavations encore visibles marquaient l’emplacement des corps.



Nous nous sommes ensuite rendus au carrefour de Tranchée de Calonne avec la route Saint-Rémy-Mouilly, près de la stèle du 54eR.I. J’ai indiqué aux pèlerins les positions françaises et allemandes avant le 24 avril 1915, expliqué les terribles combats des Éparges de février à avril ainsi que la justification de l’attaque allemande pour priver les Français d’une vue précieuse sur la pente sud de la crête des Éparges et sur le village de Combres. Nous sommes allés voir l’incontournable observatoire français sur la route de Mouilly ainsi que la petite stèle de la dépouille ignorée, à deux pas du carrefour.

Nous avons poursuivi notre parcours sur les emplacements des combats du 20 au 24 juin 1915, menés par le deuxième corps d’armée, au bois Haut. À partir de la laie forestière qui relie la tranchée de Calonne à l’éperon de Bigomont, nous avons cheminé dans les sillons âprement disputés par le gros du 18e B.C.P., au droit de la tranchée de France. Nous avons arpenté le réseau sinueux de tranchées et boyaux où sont encore visibles les piquets et fils de fer qui constituaient les défenses accessoires des ouvrages, pour atteindre l’abri fait de sacs de ciment, situés près du point C. Nous nous trouvions alors dans les pas de Georges Henri Aubert, au moment où il a été mortellement blessé. Nous sommes revenus sur la tranchée de Calonne en suivant le chemin forestier du bois Haut, après avoir rapidement exploré les positions allemandes du point A et son blockhaus de mitrailleuse.




La journée s’est terminée par un sympathique pot de l’amitié au bar de La Faillotte.
Sources :
- Mémoire des hommes.
- Mémorialgenweb.
- AD 55.
- Mairie de Laneuville.
- Olivier Benay.
- Histoiremilitaria14 18.
- Forum 14 18.
- Photos M. Luneau