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sous le joug allemand

La vie des Stenaisiens sous l’occupation

Après le 31 août 1914, les villages meusiens entre Sedan et Vilosnes sont abandonnés par l’armée française. On se bat encore au nord de Verdun du côté de Consenvoye et Dannevoux. Très rapidement, dans les villages occupés, les Allemands mettent en place un système autarcique et répressif. Les communes sont délimitées par une frontière virtuelle qu’il est formellement interdit de franchir sous peine de lourdes sanctions. Toute communication avec les habitants des bourgs voisins est prohibée. Tout contact avec des membres de la famille habitant un village proche ou en zone non occupée, est interrompue et le sera pendant plus de 4 ans.

L’administration des communes et groupes de communes

L’occupant prend à son compte l’administration des communes occupées, en établissant des commandements d’étape et de place. À Stenay, une Etappen Kommandantur est installée dans la maison Peltier, rue Porte de France. Son rôle consiste à gérer toute la logistique du groupement de communes sous son contrôle, ainsi que de régler la vie de ces communes. Dans chaque village est installée une Ortskommandantur chargée de l’administrer.

L’occupant ne veut pas avoir directement affaire à la population. Il désigne un maire et un conseil municipal. Ces derniers ne disposent d’aucun pouvoir et ne sont là que pour relayer les exigences des Allemands et pour cautionner les éventuels manquements. En l’absence de M. Drappier, maire élu en 1912, du secrétaire de mairie et du curé, Léon Baulard est désigné maire et Auguste Niclausse, secrétaire de mairie.

De gauche à droite : Hippolyte Baulard, Joseph Poterlot, Léon Baulard ; oncle de Louis Stasser, Leseine (peintre), Paulin Egon ; coll. A.M. Stenay

L’une des premières notes dictées par la kommandantur et émises par le maire, donne déjà le ton de ce qui deviendra la norme pendant toute l’occupation ; en voici la teneur :

Les habitants sont informés de ce qui suit :

  1. Par suite du décès de Mgr Mangin, M. Baulard Léon est nommé maire.
  2. Il est formellement interdit de tirer sur les soldats allemands ; si un seul coup de fusil est tiré, les habitants seront fusillés et la ville incendiée.
  3. Il est expressément interdit de pénétrer dans les maisons abandonnées ; seuls, le maire et son secrétaire en ont l’autorisation.(les Allemands ne s’en priveront pas).
  4. Les rassemblements et complots sont interdits.
  5. Toute personne en possession d’armes sera immédiatement dénoncée à l’autorité militaire.
  6. Les bureaux du maire sont à l’Hôtel de Ville.

Signé par le maire et contresigné par la kommandantur.

Dès le début de l’occupation, la population assiste à la germanisation des territoires occupés. La monnaie n’est plus le Franc mais le Mark. Les rues sont rebaptisées en allemand ainsi la rue Chanzy devient Kronprizenstrasse, la porte de Bourgogne devient Berliner Tor. L’heure légale passe à l’heure allemande. Les bâtiments utilisés par les soldats sont repérés en allemand ; la maison Peltier devient Etappen kommandantur, l’hôtel du commerce, Offizier haus, etc.

Tout ce qui n’est pas indispensable à la vie de la commune est taxé. Ainsi, les détenteurs de chiens doivent les déclarer à l’autorité militaire. Une taxe de 30 marks doit être acquittée pour bénéficier de la médaille que chaque chien doit porter autour du cou. Tout chien pris sans médaille est tué.

La correspondance avec les prisonniers de guerre se durcit. Rédigée sur papier libre au début, sans règles précises et sans limitation, elle devient réglementée. Elle doit être rédigée sur une Feldpostkarte accessible, au prix coûtant, chez le commandant de place. Le texte doit être lisible, écrit sur les lignes et non de travers, sans mot raccourci et avec l’adresse de l’expéditeur. Une seule carte par mois est acceptée. La Gazette des Ardennes, journal émis par l’occupant, indique le lieu d’internement des prisonniers. La correspondance avec la France non occupée est impossible. Régulièrement, les familles envoient des colis et même de l’argent aux prisonniers par l’intermédiaire de la Croix Rouge à Genève ou du Comité Meusien. Beaucoup s’égarent ou arrive très en retard.

Le travail obligatoire

Très rapidement, un système de travail obligatoire se met en place. Il s’agit, en fait, de travailleuses et de travailleurs mis à la disposition de la kommandantur pour réaliser des travaux au service des Allemands. Les hommes sont essentiellement affectés aux tâches lourdes ou techniques et les femmes aux travaux des champs et d’intérieur. Tous ces travaux sont réalisés sous la surveillance d’un ou de plusieurs landsturms.

Au début 1915, seuls les employés de la scierie reçoivent un salaire de 2 marks puis, l’ensemble des travailleurs perçoit un salaire dérisoire variable. Bien évidemment, il est impossible de vivre avec cette obole.

Le reste de la population travaille pour la commune et est principalement affecté à la mairie, à l’entretien des rues et des latrines, à la boulangerie, aux coupes de bois et à l’hospice.

Service d’otages

L’occupant met en place un service d’otages qui répondent du bon fonctionnement de la commune. Six d’entre eux sont mis quotidiennement à la disposition de la kommandantur où ils sont occupés à diverses corvées pendant qu’une équipe de 24 otages restent disponibles. Le service se fait par roulement. À la mauvaise saison, l’occupant acceptera que le nombre d’otages mis à la disposition de la kommandantur soit ramené temporairement à 3, tout en conservant une réserve de 24.

L’obsession de l’ordre et de la propreté

Comme cela était déjà mentionné dans les carnets de route des soldats français qui traversaient les bourgs meusiens en montant au front, à leur arrivée, les Allemands découvrent des villages dans un état d’insalubrité extrême. Des kilomètres de fumier s’étalent sur les usoirs, exhalant leur odeur nauséabonde et déversant le purin dans les caniveaux. Les chemins sont encombrés de détritus en tout genre et les rues, parsemées de débris. Les abords des maisons ressemblent à de véritables décharges à ordures. Les fosses d’aisances débordent sans que personne ne s’en soucie.

Aussitôt en place, l’occupant va mettre de l’ordre dans ce monumental foutoir. En quelques jours, les tas de fumier, signe ostentatoire de richesse des paysans meusiens, disparaissent du paysage, alors que les autorités civiles avaient tenté de les faire enlever depuis des décennies, sans succès. L’autorité militaire impose le nettoyage des chemins qui mènent aux jardins et interdit d’y jeter les ordures sous peine de forte amende.
Chaque habitant est sommé de nettoyer devant sa maison pour alléger le travail des 5 ouvriers affectés au nettoyage des rues. La Kommandantur menace de réquisitionner du monde aux frais de la commune si cela n’est pas exécuté.

Les abords des maisons et les places sont aménagés et embellis. L’occupant semble vouloir s’installer pour un bon moment.

Place Abbé Laurent avant  et pendant l’occupation ; coll. A.M. Stenay

Pendant toute l’occupation, il émettra un grand nombre de rappel des règles de propreté et de comportement avec menaces de sanction en cas de défaillance.

Le couvre-feu est décrété avec interdiction de circuler dans les rues au-delà d’une heure qui varie en fonction de la saison. La circulation en dehors des limites du territoire de la commune est fortement réglementée. Seules les personnes recommandées par le maire, munies d’un laissez-passer dûment signé par le commandant de place, et accompagnées, peuvent les franchir.

Malgré ces interdictions et ces menaces, quelques Stenaisiens défient l’occupant. Ainsi, des Stenaisiennes sont mises à l’amende pour avoir dépassé les limites de la commune et rencontré des habitants de Mouzay.

Injonction au préposé chargé de la vidange des fosses d’aisances qui n’a pas vidé celle de la villa Lopinet, en dépit de plusieurs rappels.

Amende pour absence à l’appel ou pour manque de laissez-passer.

Mise en boîte d’une Stenaisienne qui demande à la kommandantur que ses chambres occupées par des soldats allemands soient nettoyées avant leur départ.

L’alimentation

Elle reste la principale préoccupation de la population. Les réquisitions françaises avaient déjà délesté la commune d’une grande partie de ses ressources, de ses chevaux et de ses animaux de boucherie. Les commerces sont fermés ou ont été pillés par l’ennemi dès son arrivée. Le moulin de Stenay, vidé de son matériel au début de l’occupation, est remis en service pour le compte exclusif de l’autorité allemande.

Craignant une famine imminente, le maire réussit à négocier l’achat de farine auprès des Allemands. Au début de l’occupation, deux boulangers sont au fournil mais bientôt, l’un d’entre eux est déporté.

Pour subvenir à ses besoins, la population est autorisée à cultiver ses légumes et à élever quelques animaux de basse-cour. Les habitants ont la possibilité d’acheter des vivres vendus par les Allemands, à retirer près des postes de gardes, aux sorties vers Laneuville et Montmédy.

Une partie du lait produit par les quelques vaches laitières qui n’ont pas été réquisitionnées, est livrée à la laiterie de l’autorité allemande, installée au moulin. La vente directe de lait aux militaires allemands est interdite. En fin d’occupation, à la suite de la réduction importante du nombre de vaches, c’est toute la production de lait qui est livrée aux Allemands ; seuls les vieillards, les enfants en bas âge et les malades peuvent en bénéficier après avis médical.
Tous les fruits et baies sont réquisitionnés par l’occupant.

En dépit de la pénurie de produits alimentaires, les habitants vendent une partie de leur production aux soldats allemands. Pour endiguer la pratique de prix prohibitifs des denrées, la Kommandantur fixe la valeur des produits aux tarifs standards. Les marchés supprimés en début 1915, sont rétablis aux jours habituels à partir du printemps.

Prix standard des légumes sur le marché de Stenay, en 1916 ; coll. A.M. Stenay

Avec la pénurie, la mendicité se développe. Ce sont surtout les enfants qui font la manche et cela agace profondément l’autorité allemande. Elle en interdit la pratique et ordonne au maire de trouver une solution pour nourrir les pauvres de la commune, au moins une fois par jour. Une cuisine collective est créée, et les parents sont sommés de s’occuper de leurs enfants.
La municipalité consent, en outre, à attribuer des terrains communaux pour en faire des jardins familiaux.
Il semble que le braconnage soit couramment pratiqué bien que sévèrement réprimé.

Le barbare sert à manger aux enfants pauvres. Cette photo alimentera aussi la propagande allemande pour casser l’image de l’Allemand massacreur ; coll. A.M. Stenay

Les pommes de terre cultivées sur le territoire de la commune sont exclusivement destinées à la population. La faim pousse parfois les gens à déterrer les tubercules avant la fin de leur croissance. Une note de la kommandantur ordonne à la population d’attendre la fin de maturité des plants avant de les arracher.

Courant octobre 1914, un organisme américain crée, en Belgique, une commission de soulagement des populations civiles. Il distribue des produits de première nécessité en provenance des États-Unis, aux populations des territoires occupés. Ces produits ne peuvent être ni réquisitionnés ni revendus. Ils constituent un apport non négligeable de nourriture qui permettra d’éviter la famine. En avril 1917, après l’entrée en guerre des États-Unis, ce comité est remplacé (sur le papier) par un organisme hispano-néerlandais.

Des comités locaux sont créés pour centraliser et détailler l’aide alimentaire. À Stenay, le comité local distribue les produits aux communes rattachées au groupement.

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