La bataille de Verdun
21 février au 19 décembre 1916
C’est une fameuse bataille qui opposa les armées française et allemande, durant 300 jours, dans ce qui fut l’un des plus meurtriers affrontements du premier conflit mondial. Le bilan de cette bataille est évalué à 300 000 morts ou disparus et 400 000 blessés.
Cette campagne, dont l’action se déroule sur une surface grande comme un mouchoir de poche, reste celle où l’horreur atteint son paroxysme.
Comment se situe Verdun dans le contexte général ? Après la défaite de 1870 et l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, le polytechnicien Séré de Rivières est chargé, en 1873, d’élaborer un système défensif le long de la nouvelle frontière. Il construit une ligne fortifiée linéaire qui intègre les obstacles naturels et qui s’appuie sur des camps retranchés.
Verdun, bastion privilégié dans la nouvelle organisation nord, retrouve alors son rôle historique de forteresse. En effet, elle est une base offensive qui fait office de tête de pont de la France sur la Meuse, pour contrebalancer le site fortifié de Metz alors annexée, et, en même temps, elle reste un important nœud de communication nord-sud et est-ouest.
De 1875 à 1914, une double ceinture fortifiée est créée autour de Verdun, qui apparait, à la veille de la Grande Guerre, comme la place la plus moderne et la plus puissante de l’est de la France.

Pourquoi Verdun ?
À la fin de 1915, en position de force, Von Falkenhayn, commandant-en-chef des armées allemandes, décide de lancer, sur la ville, l’armée du Kronprinz Impérial, héritier de l’empire allemand.
À Verdun, le front forme un saillant, ce qui permet à l’ennemi d’envisager des attaques convergentes de chaque côté de la hernie. De plus, le champ de bataille est partagé en deux par la Meuse, élément défavorable aux Français.
Plus grave encore, suite au décret du 05 août 1915, les ouvrages fortifiés sont pratiquement tous délestés de leurs pièces d’artillerie et vidés de leur infanterie. L’état-major ne croit plus aux vertus des fortifications permanentes après l’écrasement et la prise, en 1914, des forts de Liège, Namur et Manonviller.
Ainsi, dès août 1915, 43 batteries lourdes avec près de 130.000 obus, et 11 batteries à pied, quittent Verdun pour le front de Champagne.

Les forces allemandes s’apprêtent à en découdre avec un adversaire aux moyens de défense affaiblis. À ces avantages tactiques, s’ajoute un atout logistique capital : les Allemands bénéficient d’un important réseau de communications (7 voies ferrées normales ainsi que la proximité du formidable camp retranché de Metz), alors que du côté français, seuls, trois axes d’approvisionnement peuvent être utilisés :
- deux voies de chemin de fer ;
- celle de Sainte-Menehould-Verdun, à voie normale, coupée dès le début des combats et à portée des canons ennemis,
- le petit “Meusien”, à voie métrique,
- la route départementale Bar-le-Duc-Verdun (Voie Sacrée).
La voie ferrée Toul-Verdun est verrouillée au niveau de Saint-Mihiel.
La Région fortifiée de Verdun (R.F.V.) est donc gravement dépourvue en artillerie et en voies de communication alors que l’ennemi disposent d’une supériorité tactique et logistique écrasante. À cela s’ajoutent les raisons morales qui tiennent à l’importance de Verdun dans l’histoire militaire de la France.
C’est ainsi que le 14 février 1916, le Kaiser adresse à ses troupes une proclamation glorifiant l’attaque imminente sur Verdun : “Moi, Guillaume, je vois la patrie allemande contrainte à l’offensive. Le peuple veut la paix, mais pour établir la paix, il faut savoir clore la guerre par une bataille décisive. C’est à Verdun, cœur de la France, que vous cueillerez le fruit de vos peines.”
Verdun devient alors le sémaphore de l’armée française car, comme l’a écrit plus tard le maréchal Pétain ; “Verdun n’est pas seulement la grande forteresse de l’Est destinée à barrer la route à l’invasion, c’est le boulevard moral de la France”.
L’objectif initial du général Von Falkenhayn était de prendre la ville afin d’ouvrir, à ses armées, les portes de l’invasion. Il n’a sans doute pas envisagé clairement d’y broyer l’armée française, tout au moins, au début.
En fait, l’échec de ses premières tentatives de percée et les conditions générales de la bataille, vont le contraindre à définir une nouvelle stratégie ; celle de l’usure.
L’idée était de décimer l’armée française par un énorme feu roulant alimenté par de nombreuses pièces d’artillerie de tous calibres.
Von Falkenhayn prévoyait un ratio de pertes d’un allemand pour deux français et pensait que l’offensive sur Verdun ne durerait que quelques jours. Il n’en fut rien. La bataille s’avéra pour l’envahisseur, plus couteuse en vies humaines, qu’escompté, et se termina par un retour à une situation quasi identique à celle d’origine.
L’état-major allemand a donc prévu d’attaquer Verdun et Von Falkenhayn n’hésite pas à employer les grands moyens pour préparer son offensive . Les forces allemandes ont concentré devant la ville, les pièces lourdes qui ont écrasé, en 1914, les places fortes alliées, soit 25 mortiers de 30,5 cm et 42 cm, trois canons de marine de 38 cm, ainsi que 1.200 canons de la Ve armée impériale.

L’artillerie ennemie s’apprête à déclencher un bombardement d’une intensité jamais vue depuis le début de la guerre, et qui est soigneusement orchestré pour que l’infanterie n’ait plus qu’à nettoyer et occuper un terrain purgé de ses défenseurs.
Verdun étant un lieu hautement symbolique et cher au cœur des Français, Von Falkenhayn sait que l’état major français mettra, dans la bataille, toutes les forces disponibles pour défendre cette place.
Du côté allemand, les mêmes corps d’armée ont été engagés dans l’opération pendant toute sa durée alors que 70 % des effectifs de l’armée française se sont relayés, par rotations successives, sur la ligne de front.
Le général Pétain fut le commandant des troupes engagées à Verdun pendant la première partie du conflit. Il fut remplacé par le général Nivelle, le 1er mai 1916, pour reconquérir le terrain perdu.
80 % des pertes furent causées par l’artillerie et les hommes qui marchaient sur les corps de leurs camarades n’avaient d’autre alternative que de survivre coûte que coûte à cet enfer ou de mourir pulvérisés.

La stratégie psychologique du général Pétain qui réussira à dominer la cause des mutineries en 1917, apparaît dès la bataille de Verdun. La rotation des divisions impose la mise en place des relèves et de la noria. Le mouvement des unités et du matériel ne pouvaient se faire que par le chemin de fer à voie métrique, et surtout, par la route de Bar-le-Duc à Verdun, “la Voie Sacrée” ( nom donné à cette route par Maurice Barrès). La voie ferrée Sainte-Menehould-Verdun ne pouvait être utilisée que la nuit, après réparations.
Verdun marque la révolution du moteur aussi bien sur terre que dans les airs ; elle a initié la première bataille aérienne de l’histoire.
Le rôle des camions et des véhicules dans la bataille de Verdun tient en quelques chiffres : 3400 camions par jour sillonnent la Voie Sacrée ; 1700 dans chaque sens . Ils se succèdent toutes les vingt-cinq secondes en moyenne, avec des pointes à cinq secondes. Chaque semaine, ils transportent 90 000 hommes et 50 000 tonnes de matériel. L’entretien de la route a exigé un million de tonnes de cailloux, tirés de carrières ouvertes à proximité.
Chronologie de la bataille de Verdun
La bataille de Verdun se caractérise par une série d’opérations dont la chronologie est la suivante :
Le 05 août 1915
Par décret du Président de la République qui modifie le règlement sur le service des places fortes, la place de Verdun devient Région Fortifiée de Verdun (R.F.V).
Cette R.F.V. relève directement du général Herr, commandant le groupe d’armées de l’est qui devient en même temps gouverneur de Verdun.
Les troupes territoriales de la place (72e D.I et 132e D.I) sont réunies sous le commandement du général Coutanceau qui prend le titre de général commandant le secteur nord de la R.F.V.
La place est réduite aux garnisons, à l’armement de sécurité et au matériel strictement nécessaire. Elle dépend du général Cauboue qui prend le titre d’adjoint au gouverneur.
Le général Herr a donc sous ses ordres :
- Le général commandant le S.N.R.F.V.,
- Le général commandant le 2e C.A.,
- Le général commandant la 67e D.I.,
- Le général commandant de la place de Verdun.
Le 21 février 1916
Offensive allemande au nord de Verdun après un déluge de fer et feu sur le bois d’Haumont, le bois des Caures et l’Herbebois
Le 22 février 1916
Les survivants du bois des Caures sont écrasés et doivent fuir vers Beaumont-en-Verdunois. Le lieutenant-colonel Driant est tué.
Le 24 février 1916
Samogneux est pris par les Allemands mais l’artillerie française de la rive gauche, stoppe leur progression.
Joffre confie le commandement de la Région Fortifiée de Verdun au général Pétain.
Le 25 février 1916
Louvemont, Bezonvaux et la Côte du Poivre sont en possession des Allemands.
Le fort de Douaumont est pris sans combattre.
Le 26 février 1916
Pétain prend le commandement sur le front de Verdun
Le 28 février 1916
Combats acharnés pour la prise de Douaumont.
Le 06 mars 1916
Offensive allemande sur la rive gauche de la Meuse ; attaque de la crête du Mort-Homme,
Le 07 mars 1916
Offensive allemande sur la rive droite à partir de Douaumont,
Le 20 mars 1916
Offensive allemande sur la Cote 304,
Le 03 mai 1916
Pilonnage énorme sur la Cote 304,
Le 22 mai 1916
Offensive française sur le fort de Douaumont,
Le 29 mai 1916
Sur la rive gauche, Cumières tombe,
Le 2 juin 1916
- L’enceinte du fort de Vaux est complétement investie,
- Charles Denvert et la 8e compagnie du 101e R.I, aidée d’une compagnie du 124e R.I, résistent héroïquement dans le retranchement R1
Le 07 juin 1916
Les défenseurs du fort de Vaux capitulent,
Le 08 juin 1916
- L’ouvrage de Thiaumont est perdu par les Français puis repris pendant la nuit.
- Le retranchement R1, la Courtine et la tranchée Besançon près de fort de Vaux sont pris,
Le 10 juin 1916
Un bataillon du 137eRI est pulvérisé par l’artillerie allemande au dessus du ravin de la Dame, à proximité de la ferme de Thiaumont. C’est ici et durant cette bataille qu’est née la légende de la tranchée aux baïonnettes.
Le 18 juin 1916
Les Allemands sont aux portes de Verdun,
Le 21 juin 1916
- Préparation allemande de l’attaque massive sur la ligne Fleury, Fort de Souville, Fort de Tavannes.
- Sentant l’imminence de l’attaque franco-anglaise sur la Somme, les Allemands veulent en finir avec Verdun et lancent leurs meilleures troupes dans la bataille.
Le 22 juin 1916
Terrible préparation d’artillerie allemande aux obus à gaz toxique en prévision de l’attaque du lendemain.
Ce bombardement intensif durera presque 24 heures.
Le 23 juin 1916
Offensive sur le Fort de Souville et sur Fleury-devant-Douaumont.
Les Allemands avancent jusqu’à Froideterre, Fleury est en partie investi mais les Français résistent.
Au centre de la ligne d’attaque, les Allemands sont contenus au prix de lourdes pertes.
Jusqu’au 30 juin 1916
Le front de Verdun piétine, l’ouvrage de Thiaumont et Fleury sont perdus et repris plusieurs fois ;
les Allemands sont stoppés.
Le 1er juillet 1916
Les forces franco-britanniques lancent une offensive sur la Somme
Le 10 juillet 1916
Le Fort de Souville est soumis à un intense bombardement en préparation à l’attaque du lendemain.
Le 11 juillet 1916
Von Falkenhayn lance l’offensive de la dernière chance sur Souville.
Le 24 octobre 1916
Reprise du fort de Douaumont par le R.I.C.M. et les troupes coloniales.
Le 15 décembre 1916
Retour aux positions qui étaient grossièrement celles du 23 février 1916.
Le 20 août 1917
Attaque française sur la côte du Talou, la cote 344, l’ouvrage de Buffle, les tranchées de Worns, du Jutland et de Tréves par la 123eD.I ( 15e C.A ).
Le 24 août 1917
Reprise de la cote 304 par la 26e D.I ( 13e C.A ), aidée de la 5e B.I ( 3e D.I )
Le rôle de Verdun dans le processus de la Grande Guerre est apparu décisif. La bataille reste une référence ; elle a été sublimée par les récits, les souvenirs, les témoignages des soldats dont les limites humaines ont été dépassées.
La bataille de la Somme pour laquelle une débauche de moyens a été mise en œuvre et qui a entraîné une certaine usure de l’armée allemande, se révèle en définitive comme décevante. Verdun lui a enlevé l’aura que Joffre voulait lui donner.
Cette bataille franco-britannique dont la piètre réussite ne concorde pas avec les espoirs mis en elle, accentue les critiques contre la conduite de la guerre et des opérations par Joffre. Mis sur la touche, bien qu’il ait tenté de faire porter le chapeau de l’échec de la Somme à Foch, il sera tout de même fait Maréchal. Verdun portera Pétain et Nivelle au sommet de la gloire.