Batailles de Champagne
Les batailles de Champagne se déclinent en plusieurs épisodes :
- Première bataille, du 20 décembre 1914 au 28 mars 1915
- Deuxième bataille, du 25 au 29 septembre 1915
- Troisième bataille, avril-mai 1917
- Quatrième bataille, Juillet 1918
Première bataille de Champagne (20-12-1914 au 28-03-1915)
Première phase (20-12-1914 au 15-01-1915)
Préparation de l’offensive
Le 15 novembre 1914, Joffre se rend au Q.G. du général de Langle à Châlons-sur-Marne pour discuter d’une éventuelle offensive à étudier sur le front de la IVe armée. En dehors de l’Argonne tenue par le 2e C.A. où aucune action d’envergure ne saurait être entreprise, la Champagne semble propice à une importante attaque.
La région au sol crayeux est caractérisée par de longues ondulations sans arêtes vives, parsemée de petits bois de sapins. Plusieurs éléments défavorables pour une entreprise à large échelle dans cette région apparaissent : la précarité des moyens de communication et la dispersion des villages qui n’offrent à la troupe que de médiocres cantonnements.
L’effectif restreint de la IVe armée comparé à l’étendue de son front, ne permet pas d’envisager la rupture de la ligne ennemie en plusieurs points. Pour éviter que les Allemands amènent des renforts sur la ligne principale d’attaque, plusieurs opérations de diversion seront organisées par les grandes unités de l’armée.
Choix de l’objectif.
La région du 2e corps, en Argonne, ne peut être retenue en raison des difficultés qu’elle représente. Le corps colonial qui couvre la gauche du 2e C.A. avec lequel il doit se maintenir lié, ne peut être utilisé pour cette affaire.
Le 12e C.A. dispose d’un front trop étendu pour mener une offensive concentrée. Il reste donc le 17e C.A. dont le front est relativement limité pour lancer cette opération. Sa position centrale lui permet d’être appuyé sur ses flancs par les corps voisins et le terrain découvert se prête parfaitement à l’action de l’artillerie. L’objectif du 17e C.A. est fixé à la ligne de cote 193, butte de Tahure.
Conjointement à l’attaque principale, des opérations secondaires seront menées entre les routes de Souain-Somme-Py et Berzieux-Cernay. Un peu plus tard, l’État-major prévoit d’étendre la ligne d’attaque sur la gauche, en incluant le front entre Perthes et Saint-Hilaire, soit dix kilomètres au lieu de trois, à cheval sur la route Souain-Attigny.
Deux actions majeures sont donc envisagées :
- La première, menée par la 34e division du 17e C.A. avec pour objectif premier, le front cote170, cote 200 et pour objectif ultérieur la butte de Souain.
- La seconde, mise en œuvre par la 23e division du 12e C.A., jugé pourtant très dilué quelques jours auparavant, avec pour objectif premier, la ligne de cote 160, moulin de Souain et pour objectif ultérieur, la ferme de Navarin.
Sur le reste du front, les commandants des 12e et 17e corps, et le C.A.C., choisiront eux-mêmes les points sur lesquels porteront leurs efforts, en utilisant leurs forces propres.
Dans les jours qui suivent, chaque corps d’armée organise le terrain en approchant ses tranchées de celles de l’ennemi, en creusant des sapes et en multipliant le nombre de boyaux.
Au corps colonial, une action est préparée contre le calvaire de la croupe 180, du côté de Beauséjour. Les fourneaux de mine sont chargés, l’artillerie se tient prête à détruire les réseaux de fil de fer et le génie, à ouvrir des brèches, si nécessaire.

Pour que la IVe armée puisse se consacrer pleinement à son offensive, Joffre met le 1er corps d’armée à la disposition du général de Langle et lui laisse la 10e division prêtée par le 5e corps. Il lui promet, en outre, de lui fournir les canons de 155 long demandés par ce dernier. Le choix de la date de l’offensive est laissé à la discrétion de Langle mais Joffre insiste pour qu’elle ait lieu avant le 20 décembre. Le 12e C.A. n’étant pas tout à fait prêt, Joffre accepte que l’offensive débute le 20 décembre.
Conditions de l’offensive.
Au début de l’offensive, les conditions semblent favorables aux Français. Ils comptent 258 000 hommes alors que chez l’ennemi l’effectif est estimé à 163 000 hommes maximum. L’artillerie française qui s’est étoffée en cette fin d’année 1914, recense 488 canons de 75, 144 pièces de 90, 16 canons de 65 de montagne, 14 canons de 80, 30 pièces de 120L De Bange, 16 pièces de 155 CTR, 34 pièces de 155 court modèle 1912, 4 canons de 155L et 2 mortiers de 220. La IVe armée ne dispose cependant que de 3 escadrilles d’aviation, soit 19 avions.
En face, les Allemands ont considérablement fortifié leurs positions. Certains points se révèlent comme de véritables forteresses. Leurs unités sont composées d’ouest en est :
- du 12e corps de réserve renforcé d’une division d’infanterie du 8ecorps, de la 47e brigade de Landwehr,
- du 8e corps de réserve encadré par un régiment de la 49e brigade de Landwehr,
- de la 21e brigade du VIe corps, la 27e division, le 16e corps et la 13e brigade de Landwehr.
Les opérations
L’offensive démarre le 20 décembre sur le front du 17e C.A. et du C.A.C, après une forte préparation d’artillerie. La 33e D.I attaque sur le bois Jaune, les tranchées Brunes et le bois de Bouleaux ; elle bute sur les réseaux de fil de fer qu’elle ne peut franchir. La 34e D.I. connait des fortunes diverses ; seul le centre de la 67e brigade réalise quelques progrès mais le reste de la division est cloué sur place.
Le corps colonial atteint ses objectifs de la croupe du Calvaire et de la cote 180. Il est vite soumis aux tirs de l’artillerie lourde allemande placée à Maison de Champagne, et pris de flanc par des mitrailleuses qui l’obligent à évacuer la gauche des tranchées conquises. Heureusement, les contre-batteries françaises lui permettent de conserver la presque totalité de ses positions du Calvaire.
Au 12e C.A., la 24e D.I. progresse légèrement. Par contre, en Argonne, une violente attaque allemande au nord de Bolante soumet le 2e corps à rude épreuve.
Le 21 décembre, l’offensive est reprise. Le 17e corps et le corps colonial gagnent un peu de terrain mais le 12e corps est stoppé dans son mouvement vers le Moulin de Souain et la cote 160. Cet échec oblige de Langle à revoir son plan et à renoncer momentanément à opérer sur cette partie du front. Il en réfère à Joffre.
Au terme de la journée, la situation est la suivante :
- le 12e corps a progressé légèrement en direction du moulin de Souain et dans les bois à l’est de la cote 160,
- le 17e corps a conquis le saillant de la cote 200,
- le C.A.C est maître du Calvaire et de la cote 180,
- Une brigade de la 1re division est approchée entre Somme-Suippe et Somme-Tourbe.
La journée du 22 décembre est mise à profit pour renforcer les positions conquises et pour terminer de nettoyer les tranchées partiellement enlevées.
Les jours qui suivent, le 12e corps et le corps colonial continuent leurs travaux. Le 17e corps lance une division sur la tranchée Brune qu’elle conquiert assez facilement. Cette opération a permis de gagner 400 mètres d’ouvrages fortement organisés et flanquées par des canons sous coupole et des caponnières cuirassées. Puis il continue son attaque sur le bois Jaune et le bois des Moutons. Il réussit à repousser de violentes contre-attaques allemandes. Le corps colonial qui aurait dû entrer en action n’est toujours pas en mesure de reprendre l’offensive.

L’échec du 12e corps et les relatifs succès en direction de Perthes incitent de Langle à revoir son plan. Il envisage de porter son effort principal entre Perthes et Massiges. Il décide, en outre, d’intercaler une division du 1er corps entre le 17e C.A et le C.A.C.
De Langle définit les objectifs des troupes lorsqu’elles seront en place :
- Le 17e C.A. opèrera à l’ouest de la ligne cote 189 (un kilomètre au sud-est de Mesnil-les-Hurlus), bois Jaune, cote 170 au sud de Tahure, butte de Tahure. Il prendra comme objectif le front cote 170-arbre 193.
- La 1re division du 1er C.A. agira à l’ouest du mont Cochet, cote 180, cote 185 et Ripont. Elle attaquera sur le front cote 196 (au sud-ouest de la butte du Mesnil), cote 185.
- Le C.A.C. prendra comme objectif le front ferme Chausson-Maisons-de-Champagne.
- Aux ailes opèreront le 2e C.A. et le 12e C.A. ; le premier à l’est de l’Aisne maintiendra ses positions, le second à l’ouest de la ligne bois Sabot-butte de Souain tiendra constamment l’ennemi sous la menace d’une attaque tout en continuant ses travaux pour une offensive vers la cote 160 et le moulin de Souain.

Bien que le commandant de la IVe armée souhaite entreprendre rapidement son action, il est contraint d’attendre plusieurs jours pour laisser aux troupes le temps nécessaire aux relèves et à la terminaison des préparations. Pour pouvoir exploiter un éventuel succès de son offensive et continuer son action, de LANGLE demande à JOFFRE des troupes fraiches supplémentaires. Le commandant en chef accepte de lui donner la 2e division du 1ercorps ainsi que la 60e division de réserve et fait approcher en urgence le 4e C.A., qu’il garde en réserve.
Le 28 décembre, vers midi, après un bombardement d’une heure, le C.A.C lance deux bataillons sur les défenses allemandes du col des Abeilles. Plusieurs contre-attaques ennemies appuyées par une pluie d’obus repoussent les coloniaux sur leurs positions de départ.
Le 30 décembre, la 33e division attaque les tranchées blanches. Un seul de ses régiments ne peut s’y établir . La 34e division, clouée au sol par un violent feu d’artillerie, ne peut progresser. L’ennemi s’est considérablement renforcé et aménage des lignes de défense supplémentaires du côté des tranchées Blanches et de la cote 196.
L’attaque piétine et ne prend pas l’allure d’une grande offensive. De Langle revoit son plan pour lui donner une nouvelle impulsion. Malgré plusieurs assauts allemands en Argonne, le 2e C.A. tient ses positions.
Le 12e corps qui n’avait participé à aucune opération depuis le 22 décembre, est remis en course. Renforcé par des éléments de cavalerie et par l’artillerie du 4e C.A., il est à nouveau en mesure de jouer son rôle dans l’action, pour déconcentrer les forces ennemies qui se sont rassemblées sur le front principal d’attaque.
Plusieurs coups de main menés par la 1re division et le C.A.C. du côté du Fortin Beauséjour échouent. L’ennemi qui s’inquiète du regain d’activité, décide de lancer deux contre-attaques ; la première, en Argonne où il est repoussé. La seconde, dans la nuit du 7 au 8 janvier, sur la cote 200, à l’est de Perthes, où il ne peut se maintenir.
Le 9 janvier, la 1re division déclenche une attaque sur le Fortin de Beauséjour qu’elle conquiert mais ne peut dépasser. Au 17e C.A., les deux divisions font leur jonction au nord de Perthes. L’ennemi qui ne se résigne pas à laisser aux Français le terrain perdu, et le mauvais temps qui noie les tranchées, rendent les conditions particulièrement difficiles.

Plusieurs attaques seront menées le 13 janvier par le 17e C.A. sans succès. En fait, cet effort marque la fin des opérations actives de la IVe armée à cette époque. De LANGLE se rendait compte depuis plusieurs jours que les opérations donnaient de faibles résultats. La force de réaction de l’ennemi et la puissance de ses organisations défensives rendaient vaines les tentatives de rupture du front. De plus, le mauvais temps ralentissait les travaux préparatoires et générait des conditions sanitaires exécrables.
Deuxième phase (15-01 au 28-03-1915)
Pendant la période qui s’étend de la mi-janvier à la mi-février, les actions dans le secteur de la IVe armée se réduisent à des travaux de préparation et à des coups de main limités.
Le 16 février 1915, les 1er et 17e corps lancent une offensive puissamment appuyée par les canons du C.A.C.
Au 1er C.A., le Fortin est conquis mais rapidement abandonné après une vigoureuse contre-attaque allemande. La tranchée Blanche est prise mais la Brune ne l’est pas.
Au 17e C.A., la 33e D.I. prend pied dans dans les tranchées Grises pendant que la 34e D.I. s’empare des ouvrages au sud du bois B, du bois rectangulaire et des bois entre Perthes et Souain.
Au 12e C.A., la 24e D.I. a effectué des tirs d’infanterie et d’artillerie pour fixer l’attention de l’ennemi.
Conformément aux prescriptions, les unités qui encadrent la IVearmée ont joué de leurs canons pour faire diversion.
En cette fin de journée, le bilan des opérations est en demi-teinte mais le moral reste bon. L’attaque sera poursuivie le lendemain ; les moyens du 4e C.A. sont approchés de la zone des combats.
Les jours suivants, les actions se succèdent sans qu’elles procurent de gains significatifs mais elles confortent les positions. De LANGLE veut profiter des résultats obtenus pour percer là où l’ennemi semble le plus faible c’est-à-dire sur le front de la 34e D.I.
Pour cela, il souhaite renforcer ses effectifs et intégrer le 4e C.A. à la IVe armée mais Joffre à du mal à le lâcher. Le 2e C.A. lui a déjà été adjoint et il sera utilisé en fonction des besoins nécessités par les unités engagées avant lui.
Pendant la préparation d’une nouvelle opération, les Allemands se montrent particulièrement actifs et déclenchent une série de contre-attaques qui sont toutes repoussées.
Le 17e corps reprend son offensive, le 20 février. Le 12e corps et le C.A.C qui doivent l’épauler, ne sont pas prêts ; Joffre s’en inquiète. Les résultats de la journée sont mitigés ; le 2e C.A. est approché de la zone des combats.
Le 24 février, une énième attaque ne donne pas les résultats escomptés. Les unités du 2e C.A. sont intercalées entre le 1er C.A. et le C.A.C. de Langle opère des changements dans l’organisation de son offensive. Il sépare son action principale en deux secteurs : celui des 1er et 2e C.A. dirigé par le général Gérard et celui des 4e et 17eC.A. commandé par le général Dumas. Le 16e C.A. est approché de la zone d’attaque puis progressivement intégré à l’action dans sa partie ouest. Le général Grossetti prend sous ses ordres les 12e et 16e C.A., les 60e et 48e divisions avec pour mission de percer entre Auberive et Souain.


Les progrès effectués dans le secteur du général Gérard (entre les mamelles et le Fortin) sont appréciables. Deux lignes de tranchées dans le bois Allongé tombent ainsi qu’une partie de la première ligne allemande entre le bois en Cœur, le Trapèze et le bois Jaune Brûlé.
Du côté de Dumas, l’attaque échoue ; il semble que la ligne ennemie se soit considérablement renforcée et que l’artillerie lourde allemande ne soit pas précisément contrebattue. De Langle prescrit alors à Gérard de poursuivre son action en engageant ses deux corps d’armée dans leur totalité sur son secteur. Il demande à Dumas de multiplier les observations pour ajuster les contrebatteries.
Le 27 février, l’attaque est renouvelée et obtient des succès sensibles sur l’ensemble du front. Le lendemain, Gérard continue sa progression et occupe la cote 196 pendant que les coloniaux achèvent la prise du Fortin. Le général Dumas est quant à lui engagé jusqu’à la nuit dans une lutte particulièrement violente sur son front.
En début mars, pour exploiter les résultats obtenus par Gérard, de Langle lui prescrit d’orienter son action au sud-ouest de Tahure, vers la cote 170. La 87e brigade est placée sous les ordres de la 3eD.I. afin de prononcer un effort puissant dans l’axe Mamelle Nord-cote 170 pour faire tomber le bois Jaune Brûlé et aider la 2e D.I. Gérard tente de dégager largement la position 196 pour foncer vers Tahure. Dans cette région, les contre-attaques ennemies s’avèrent très violentes et rendent la progression extrêmement difficile.
De Langle demande alors à GrossettiI d’activer la préparation de l’attaque entre Auberive et Souain et, au moment où il est prêt à engager ses troupes, Joffre contremande l’action. Il prescrit d’axer son mouvement avec une partie de ses unités dans la région du groupement Dumas, entre les 1er et 17e C.A. et de tenir le reste en réserve articulée prête à bondir là où elle sera utile.
Entre le 5 et le 11 mars, le 16e corps entre en ligne et prépare une action dans le secteur du général Gérard. Pendant ce temps, ce dernier continue avec vigueur les attaques sur son front, règle les mouvements d’introduction des unités du 16e C.A. et procède à la relève des 1er et 2e C.A. Le 11 au soir, Gérard transmet le commandement du secteur à Grossetti.
Le 12 mars, l’offensive est lancée. Elle ne donne pas les résultats escomptés. Reprise le lendemain, elle ne réussit pas mieux.
Le 14 mars, une nouvelle attaque est déclenchée avec plus de vigueur ; elle aboutit à un bond en avant jusqu’à la crête nord de la cote 196 et à quelques gains dans le bois Jaune Brûlé. La faiblesse des flancs des troupes d’attaque nécessite un renforcement de ces derniers. C’est à cela que sera consacrée la journée du 15.
Les jours suivants, les opérations reprennent sur tout le front amenant une recrudescence d’activité dans le secteur de Dumas et une vigoureuse poussée dans celui de Grossetti. Les résultats restent malgré tout très insuffisants et achèvent de convaincre de Langle que le succès complet ne peut plus être espéré.
À partir du 18, L’intensité des combats se réduit et les troupes commencent à aménager le terrain et à organiser de nouvelles lignes de défense. Progressivement, les unités sont relevées et renvoyées dans leurs corps d’armée respectifs.