2e bataille de champagne (26 au 29 septembre 1915)
À la suite du décret du 5 août 1915 qui vide les places fortes de leurs garnisons et de leurs canons, les fronts de Champagne et d’Artois se sont considérablement étoffés.
Journée du 25 septembre 1915
L’offensive sera menée par la IIe (Pétain) et la IVe armée (De Langle). Le général de Castelnau supervisera les opérations depuis son P.C. établi à Châlons-sur-Marne.
Les enseignements tirés de la 2e bataille d’Artois à propos de la difficulté à enlever des localités bâties, incitent le haut commandement à choisir en Champagne le terrain principal pour la prochaine attaque. Elle sera menée conjointement avec la 3ebataille d’Artois qui restera une opération secondaire.
Organisations allemandes avant l’attaque
Durant la préparation de l’attaque, les Allemands ne sont pas restés sans rien faire. Les énormes moyens mis en œuvre par l’armée française poussent l’ennemi à fortifier considérablement ses organisations défensives.
Leur première ligne est composée d’un maillage de tranchées visibles des positions françaises. Certains points comme la Main de Massiges, la butte du Mesnil, les bois de Souain, le village d’Auberive s’apparentent à de véritables forteresses. Un tracé de tunnels longs et profonds, dessert ces positions. Une puissante seconde ligne placée entre 3 et 5 kilomètres de la première et érigée en contre-pente, est fortement protégée par un réseau solide de fils de fer.
Les forces allemandes qui tiennent les positions sont composées d’ouest en est de :
- 12e corps saxon de réserve (23e et 24e I.D.)
- Détachement d’armée Von Fleck (division Liebert, 50e I.D., division Ditfurth).
- 21e division de réserve (A.K.18).
- En arrière se trouve la division de cavalerie de Von Lippe.
Préparation d’artillerie
Elle commence le 22 septembre par des tirs d’artillerie de petit calibre sur les défenses accessoires, puis s’accentue le 24, avec l’entrée en jeu des pièces lourdes qui détruisent les ouvrages et à longue portée qui pilonnent les cantonnements et les bivouacs ennemis. La veille de l’offensive, la pluie se met à tomber et ne s’arrêtera plus. L’aviation et les ballons ne pourront pratiquement pas assister l’artillerie pour régler les tirs. L’attaque se déclenche néanmoins au jour prévu. Dix-huit divisions d’infanterie donnent l’assaut sur un front de deux kilomètres chacune ; huit divisions restent en seconde ligne.

La IIe armée lance ses unités sur les objectifs suivants :
le 1er corps colonial avec ses 3 divisions accolées (151e D.I., 2e D.I.C et 3e D.I.C) et sa deuxième ligne (32e D.I.)
La 151e D.I. attaque entre la route de Berzieux à Cernay et le bois de Ville. Elle prend pied dans les premières tranchées allemandes mais elle est arrêtée, devant le réseau de fils de fer incomplètement détruit, par le feu des mitrailleuses et le tir d’écharpe des batteries allemandes installées au nord-est de Servon. Contre-attaquée plusieurs fois, elle subit des pertes sérieuses.
La 3e D.I.C. parvient péniblement à prendre pied à l’extrémité de la Main de Massiges au prix de lourds sacrifices.
La 2e D.I.C. enlève presque sans pertes les premiers ouvrages sur les doigts de la Main mais ne peut plus avancer.

La 32e D.I., en réserve, est approchée du vallon du Ruisseau pour combler le vide entre la 2e D.I.C. et le 20e C.A.
Au 20e corps, Balfourier lance sa 39e division sur la crête de Maison de Champagne qu’elle enlève rapidement mais qu’elle rend un peu plus tard. Sa droite est arrêtée devant l’ouvrage de la Défaite.
La 11e division réalise de rapides progrès sur sa droite mais son centre et sa gauche peinent. Des unités de la 153e division et la 3ebrigade du Maroc sont envoyées en soutien pour étayer la gauche des 39e et 11e divisions. Malheureusement, la difficulté à progresser dans les boyaux ne permet pas aux renforts d’arriver avant la nuit. Depuis longtemps, les éléments du 20e corps, qui avaient poussés jusqu’à Ripont ont été refoulées sur Maison-de-Champagne.
Le 11e C.A. lance sa 21e division sur la Courtine et sur le Trapèze qu’elle ne peut franchir. Les réseaux de fil de fer érigés en contre-pente n’ont pu être détruits par l’artillerie. Accusant de nombreuses pertes et, ayant perdu une bonne partie de ses cadres, cette division est ramenée sur ses positions de départ. La 22e D.I. s’est approchée du bois de la Brosse à Dents et de Tahure mais elle est rejetée sur la croupe 170.
Le 14e C.A. porte son effort principal à l’est du Trou Bricot et sur la lisière sud de ses bois. Sa 27e division enlève d’un seul bond la première ligne allemande et poursuit jusqu’à la seconde ligne. Elle atteint le mouvement de terrain de l’arbre 193 et la source de la Dormoise. La région du trou Bricot parait à peu près cernée et il semble qu’il ne reste qu’un petit effort à fournir pour percer la deuxième ligne. Cependant, le réseau de fils de fer demeure intact et les hommes sont fatigués. De plus, l’artillerie française qui tire trop court, les pièces lourdes allemandes qui font barrage et les feux d’écharpes en provenance de la butte de Souain, de la butte de Tahure et des bois en avant de la Vistule, ralentissent considérablement la progression des troupes d’assaut.
Pour exploiter les succès du 14e corps, le général Pétain le renforce avec la 53e division et une division du 3e corps de cavalerie. Il reçoit, en outre, le renfort de la 16e D.I.C. qui sera mis à la disposition du général Grossetti.
La IVe armée s’engage de la façon suivante :
Le 2e C.A.C (général Blondlat) attaque avec ses trois unités accolées (division marocaine, 10e D.I.C., 15e D.I.C.)
La division marocaine (général Codet) à droite est renforcée par 4 bataillons de la 60e D.I. mais délestée de ses deux régiments étrangers qui sont placés en réserve de corps d’armée. Elle encercle rapidement le trou Bricot par l’ouest et le nord pendant que le 14eC.A. l’investit par le sud et l’est. Elle se relie avec ce dernier et avec la 10e D.I.C. (général Marchand) qui combat à sa gauche.
La 10e division coloniale franchit la première position allemande et occupe avec sa gauche, la ferme de Navarin. Sa droite atteint même le sud-ouest de la butte de Souain ; la division a ainsi progressé de près de trois kilomètres. Mais les pertes sont élevées surtout en cadres. Le général Marchand est grièvement blessé ainsi que deux chefs de brigade. Les unités sont mélangées et un tri s’avère nécessaire avant de poursuivre l’offensive.
Au moment de reprendre le mouvement pour enlever la seconde ligne ennemie qui semble faiblement défendue, l’artillerie lourde française tire trop court et oblige les coloniaux à refluer à 200 mètres au sud de la ferme de Navarin.
À gauche, la 15e D.I.C. (général Bro) progresse bien mais gagne moins de terrain que la 10e D.I.C. tout en accusant des pertes aussi sévères que cette dernière. Le 2e régiment étranger (2e R.E.) est approché de la première position ennemie qu’il atteint vers 11 heures. De son côté, le 1er R.E. est mis à la disposition de la 10e D.I.C. et dirigé vers la butte de Souain. Les deux régiments étrangers ne seront pas utilisés le 25 septembre. Le 2e C.A.C occupe, en milieu de journée, toute la 1re ligne allemande et aborde par son centre, la seconde ligne.

Blondlat informe de Langle que les coloniaux tiennent fermement leurs positions et qu’il serait judicieux d’envoyer le 6eC.A. en renfort pour exploiter les gains partiels réalisés par un 2eC.A.C. fatigué. Le commandant de la IVe armée prescrit aussitôt au général Paulinier de lancer son corps d’armée et de pousser sans interruption jusqu’à Somme-Py, d’une part, en élargissant la brèche de Navarin, et jusqu’à la butte de Souain, d’autre part, en collaborant avec les forces disponibles du 2e C.A.C. Les ordres sont donnés en ce sens aux commandants des 12e et 127e divisions.
La 127e D.I. (général Briant) est missionnée pour attaquer la butte de Souain et réoccuper la ferme de Navarin qui a été évacuée, pendant que la 12e D.I. (général Gramat) enlèvera les tranchées de Lübeck et des Vandales qui posent beaucoup de soucis. Un problème de communication empêche ces deux divisions de s’engager ce jour. Elles restent en effet en arrière du 2e C.A.C. avec des troupes parfois très mélangées.
En fin de journée, la situation demeure la suivante :
- La 10e D.I.C. et la 127e D.I. tiennent une ligne qui va de la lisière des bois au sud-ouest de la butte de Souain jusqu’aux abords sud de la ferme de Navarin.
- La 15e D.I.C. appuyée par des éléments de la 12e D.I. tient la ligne jalonnée par le chemin de Saint-Hilaire-le-Grand à la ferme de Navarin. Sa gauche est reliée au 7e C.A. au sud de la cote 174 (trois kilomètres au nord-ouest de Souain).
À minuit le 2e C.A.C. annoncera plus de 2000 prisonniers.

La 56e division mise dans un premier temps en soutien du 7e C.A., dont les résultats n’ont pas semblé probants, est envoyée à la ferme des Wacques (deux kilomètres au sud-ouest de Souain).
Le 2e corps de cavalerie qui a suivi le 6e C.A. est missionné pour faire passer une ou plusieurs divisions de cavalerie par la brèche de Navarin, puis de les rabattre à l’est et à l’ouest, pour l’élargir.
Le 7e C.A. (général de Villaret) attaque par divisions accolées ; la 14e D.I. à droite, la 37e D.I. à gauche.
La 14e D.I. progresse à travers un terrain très boisé. Elle trouve devant elle des défenses insuffisamment détruites et des centres de résistance qui tiennent jusqu’au soir. Grâce à l’action de la 15e D.I.C., sur sa droite, elle parvient à atteindre le mamelon 164 et la hauteur boisée 160 mais au prix de lourdes pertes dont de nombreux officiers.

À sa gauche, la 37e D.I. se heurte aussi à des réseaux incomplètement neutralisés et accuse des pertes énormes surtout en cadres. À force d’énergie, la brigade de droite atteint les bois au sud-ouest de la cote 139 et celle de gauche tient la ferme de l’Épine de Védegrange et perce la ligne. Malheureusement, la 56e division qui devait exploiter les succès du 7e C.A. lui a été retirée par De Langle.
Le 32e C.A. (général Berthelot) attaque par divisions accolées ; la 40e D.I. à droite et la 42e D.I. à gauche. Elles reçoivent pour mission de réduire le saillant en face de leur front. Ces deux divisions atteignent la première ligne allemande dans leur secteur respectif mais butent sur les défenses accessoires intactes et sont repoussées, avec de lourdes pertes, jusqu’à leurs positions de départ.
Le 4e corps (général Putz) lance sa 7e D.I. sur Auberive et sa 124eD.I. à la conquête du mont Sans-Nom pour couvrir l’attaque principale.
La 7e D.I. investit le village d’Auberive mais elle est arrêtée par les tirs d’écharpe des batteries ennemies de Moronvillers. La 124e D.I. atteint la première ligne du mont Sans-Nom sans pouvoir l’enlever. Là aussi, les pertes du corps d’armée apparaissent très lourdes.

Au terme de la journée du 25 septembre, quatre avancées ont été réalisées :
- Une sérieuse dans la région de Maisons de Champagne et à la main de Massiges.
- Deux importantes, au nord de Perthes et de Souain qui portent les troupes au contact de la seconde ligne allemande.
- Une dans la région de Saint-Souplet.
De nombreux prisonniers ainsi qu’un important matériel ont été capturés.
Globalement, les résultats de la journée semblent bons et appellent à une exploitation. De Castelnau prescrit à Pétain et à de Langle de poursuivre l’attaque le lendemain en n’hésitant pas à engager les forces de deuxième ligne. Il en réfère à Joffre qui met la 157e division à la disposition de Langle et la 16e D.I.C. à celle de Pétain.
Journée des 26 et 27 septembre 1915
La journée du 26 commence par une importante activité de l’artillerie lourde allemande qui ne peut être contrebattue en raison de la mauvaise visibilité.
L’ordre de bataille est le suivant :
À la IIe armée :
- Le 1er C.A.C. a été renforcé de la 32e D.I. (16e C.A.).
- Le 20e C.A. récupère deux régiments de la 153e D.I.
- La 31e D.I. (16e C.A.) est rattachée au 14e C.A.
- Le 16e C.A. qui ne possède plus de division propre reçoit le renfort de la 16e D.I.C. Il se constituera en réserve d’armée ainsi que le 3e C.C.
Développement de la journée :
Au 1er C.A.C., la 151e D.I. et la 3e D.I.C. ne progressent pas. Par contre, la 2e D.I.C. atteint la crête de la main de Massige et la 32e D.I. enlève le mont Têtu (cote 199).

Au 20e C.A., le seul succès est la reprise de Maison de Champagne mais les unités ne peuvent pousser au-delà.
Le 11e C.A. progresse péniblement vers la butte de Tahure dont il n’atteint que les abords.
Le 14e C.A. échoue dans son attaque sur la tranchée de la Vistule et sur l’arbre 193.
En fin de journée, la situation est, malgré tout, évaluée comme favorable et la poursuite de l’attaque est prescrite pour le lendemain. L’objectif principal reste la ligne arbre 193, butte de Tahure, ferme du moulin de Ripont, la Dormoise. Le 1er C.A.C. élargira sa conquête du mont Têtu et le 20e C.A. progressera dans la direction de la cote 185, Ripont, ouvrage de la Défaite et la Dormoise.
À la IVe armée :
En début de journée du 26, le 2e C.A.C. est engagé à fond alors que le 6e C.A. n’a pas encore donné. La 8e D.I. est mise à la disposition du 7eC.A. très éprouvé par les combats de la veille. Les autres corps conservent leur organisation primitive.
L’offensive reprend dans l’après-midi.
Développement de la journée
Au 2e C.A.C., les 10e et 15e D.I.C., très éprouvées, se reconstituent pendant que la division marocaine termine le nettoyage des bois du trou Bricot.
Au 6e C.A., la 127e D.I. attaque simultanément la ferme de Navarin et la butte de Souain. La 12e D.I. se lance à l’assaut des tranchées de Lübeck et des Vandales. Bien que les objectifs aient été approchés, les attaques échouent avec de lourdes pertes, sur les réseaux incomplètement détruits.
Le 7e C.A. renforcé de la 8e D.I. recueille, dès le matin, les fruits des efforts de la veille et du succès du 2e C.A.C. Il progresse rapidement vers le Nord et ses divisions arrivent déjà au contact de la deuxième position allemande. Elles l’attaquent en début d’après-midi ; seule la 28e B.I. réussit à prendre pied dans la tranchée des Tantes qu’elle rendra dans la soirée. Les autres unités échouent dans le bois Chevron et l’Épine de Véderange. Partout les troupes du 7e C.A. ont trouvé les défenses accessoires intactes et ont accusé de nombreuses pertes. En fin de journée, elles restent en contact étroit avec l’ennemi.
Au 32e C.A., la 40e D.I. profite de l’avancée du 7e C.A. et se porte à proximité de l’Épine de Véderange. La 42e D.I. tente d’élargir la brèche qu’elle a ouverte la veille mais ne réalise que de très faible progrès.
Au 4e C.A., la 127e D.I. a perdu les 300 mètres qu’elle avait conquis la veille sur les pentes du mont Sans-Nom. Elle maintient ses positions. La 7e D.I. qui doit reprendre ses opérations sur Auberive temporise en attendant les éventuelles avancées de la 42e D.I. sur sa droite.

Malgré les échecs de la journée, le succès semble à portée de main. L’offensive est reprogrammée pour le lendemain avec les mêmes objectifs. Toutes les unités seront engagées à l’exception du 4e C.A. Dans la nuit, les batteries lourdes sont approchées. Le corps de cavalerie se tient au plus près des fantassins, prêt à s’infiltrer dans la brèche quand elle sera suffisamment ouverte.
Au terme de la journée du 26 septembre, les IIe et IVe armées ont atteint la deuxième position allemande sur un front de près de douze kilomètres. De nombreux prisonniers ont été faits. Les identifications montrent que l’ennemi continue de renforcer ses lignes en prélevant des troupes sur d’autres fronts. Les résultats obtenus sont interprétés par Joffre comme prêts à une exploitation ; il affecte plusieurs nouvelles divisions au G.A.C. La dotation en munitions qui semble déjà énorme est augmentée.