Voici la transcription de deux notes émises par les préfets de la Marne et de la Meuse, à l’attention des maires de leur département respectif, qui démontrent qu’il fallait rapidement légiférer à propos des M.A.M.
Préfet de la Marne :
Châlons, le 1er juillet 1920
Messieurs les Maires,
De nombreuses municipalités du département ont conçu le projet d’élever, sur leur territoire, un monument commémoratif aux soldats de la commune, morts pour la Patrie.
J’ai l’honneur d’attirer votre attention à ce propos sur les prescriptions de l’ordonnance du 10 juillet 1816 qui dispose que des monuments de cette nature, ne peuvent être érigés en un lieu public sans que soit intervenu un décret d’autorisation.
Or, M. le Ministre de l’Intérieur a pu constater par l’examen des croquis joints aux dossiers qui lui sont déjà parvenus que les projets présentés sont dus, pour la plupart, soit à des industriels qui n’hésitent pas à les entreprendre en série dans un but exclusivement commercial, soit à des sculpteurs ou architectes dont les productions sont trop souvent loin de répondre à un souci d’esthétique.
La Commission Marnaise des monuments commémoratifs s’est réunie à deux reprises. Elle a pu constater combien étaient fondées les craintes de M. le Ministre de l’Intérieur, les dessins qui lui ont été soumis ne présentant qu’une insuffisante valeur artistique et correspondant pour la plupart, à des articles de catalogues destinés à être reproduits en multiples exemplaires. Elle a, en conséquence, manifesté l’intention de n’approuver aucun des projets qu’elle a examinés, soit qu’elle les réprouve radicalement, soit qu’elle ait le désir d’y faire apporter des modifications.
En conséquence, m’inspirant à la fois des directives ministérielles et de l’avis de la Commission, et désireux de vous éviter le grave désagrément d’avoir traité pour un monument dont l’érection ne serait pas autorisée par la suite, je crois devoir vous adresser les prescriptions ci-dessous :
Ne traitez avec aucun auteur ou constructeur de monuments avant que soit intervenu le décret d’autorisation, ou tout au moins avant que vous ayez obtenu de moi, l’assurance que la Commission de Châlons a donné un avis favorable à l’approbation de votre projet.
Un monument à élever sur une place publique devra surtout commémorer la victoire. Si vous tenez à lui donner la note funéraire, sa place est marquée au cimetière.
Si votre monument doit être érigé sur la place publique, il conviendrait qu’il ait une réelle valeur artistique, ce qui ne sera pas sans difficulté, sans quelque lenteur et sans dépense élevée. Au contraire, le monument placé dans le cimetière, dans le voisinage de ceux des particuliers, ne demandera pas les mêmes exigences.
[…]
Préfet de la Meuse : M. PIETTE
Bar-le-Duc, le 3 mai 1919
Messieurs les Maires,
[…]
VI. J’ai l’honneur d’appeler votre attention sur la circulaire reproduite ci-après de M. le Ministre de l’Intérieur :
Un grand nombre de municipalités ont pris l’initiative d’élever, sur leur territoire, un monument commémoratif aux soldats morts pour la Patrie.
Ces monuments sont placés soit dans le cimetière, soit sur une place publique de la commune et la question s’est posée de savoir dans quelle mesure leur est applicable l’art. 28 de la loi du 9 décembre 1905, qui interdit d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics, à l’exception…des terrains de sépultures dans les cimetières, des monuments funéraires, […].
Le texte ci-dessus laisse les monuments funéraires en dehors de la prohibition qu’il édicte, et il n’est pas douteux qu’un monument commémoratif élevé dans un cimetière, présente ce caractère, surtout (comme c’est le cas pour un bon nombre d’entre eux) lorsqu’un caveau est aménagé dans leurs fondations en vue de recevoir les corps des soldats que les familles pourraient, par la suite, faire exhumer des cimetières militaires de la zone des armées.
On est donc amené, pour l’application de la loi du 9 décembre 1905, à faire une distinction entre les monuments commémoratifs dont il s’agit, suivant qu’ils sont placés dans un cimetière ou sur une voie publique. En ce qui concerne les premiers, liberté entière doit être laissée aux municipalités pour l’ornementation ou les attributs dont elles voudront les revêtir ; quant aux seconds, ils ne doivent comporter aucun emblème religieux.
En conséquence, je vous prie de vouloir bien examiner, dans cet esprit, les projets de monuments qui vous seraient soumis et dont vous aurez à me saisir en vue de leur approbation par décret.
L’érection d’un monument public ne peut avoir lieu qu’après autorisation rendue par décret. Les demandes des municipalités ou des comités locaux me seront transmises accompagnées de dessins et de descriptions.
Sources :
- A.M. Stenay
- Mémoire des Hommes
- Pierres de mémoire